Kate Barry
My Own Space
17 juin .... 17 septembre 2023
inauguration : mercredi 14 juin à 18h30
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Kate Barry [1967-2013] débute sa carrière de photographe en 1996. Les commandes pour la mode et les magazines font sa renommée et son œuvre participe de la construction de l’imaginaire d’une époque [campagne mère-fille pour Comptoir des Cotonniers en 2003-2006, portraits d’actrices lors de la sortie du film Huit Femmes
de François Ozon en 2002, etc.].
Malgré les contraintes des commandes, la photographe impose son regard, ce qui l’autorise à développer des projets plus personnels. Celui consacré aux salariés du marché international de Rungis [Les Gueules de Rungis
, 2009] fera date, mais son œuvre autour du paysage est celle où elle exprime le mieux sa sensibilité. À l’opposé du clinquant des magazines, des impératifs des commandes et de la surmédiatisation de sa famille [elle est la fille de John Barry et de Jane Birkin], Kate Barry y propose des atmosphères dépouillées, faites de poésie et de subtilité, à la fois mélancoliques et oppressantes. En 2021, la famille de Kate Barry a donné au musée Nicéphore Niépce l’intégralité de ses négatifs couleur et noir et blanc, sa production numérique, ses planchescontacts, une sélection de tirages ainsi que ses deux principales expositions [Bunkamara Gallery, Japon, 2000 et Arles, 2017].
Le musée propose au public de découvrir une première rétrospective de cette œuvre singulière, diverse et complexe.
Le livre " Kate Barry, My Own Space" aux Editions de la Martinière est en vente à la boutique-librairie du musée.

![Laetitia Casta [pour Elle] 2 octobre 2000 Tirage sur papier au gélatino-bromure d’argent © Kate Barry Laetitia Casta [pour Elle] 2 octobre 2000 Tirage sur papier au gélatino-bromure d’argent © Kate Barry](/var/ezflow_site/storage/images/exposition/futures/kate-barry/kate-barry3/60855-1-fre-FR/kate-barry_smartphone.jpg)
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[ extraits ]
Principalement connue pour ses portraits de figures issues des mondes de la musique, du cinéma et de la mode qu’elle photographie dans le cadre de commandes pour la presse, Kate Barry s’affirme comme une photographe complète, qu’on ne peut circonscrire à cette seule pratique. Surtout, Kate Barry évolue au sein d’un environnement familial où l’image [et en particulier la photographie] est omniprésente.
Si la photographie est partout, elle l’est particulièrement autour de Kate Barry. Fille de Jane Birkin et de John Barry, la vie de famille de Kate Barry est largement médiatisée. Le couple Jane Birkin / Serge Gainsbourg fait longtemps la une de nombreux journaux. Le duo défraie souvent la chronique, voit sa vie scrutée et ouvre régulièrement la porte de sa demeure aux caméras de télévision ainsi qu’aux photographes.
Autour de Kate Barry, la photographie est également omniprésente dans l’intimité. Son oncle, Andrew Birkin, photographe, accompagne souvent la famille dans ses pérégrinations et emmène par exemple Kate Barry alors âgée de 4 ans dans ses repérages destinés à Stanley Kubrick ; il la photographie sur le trône de Napoléon à Fontainebleau, portrait à la fois anecdotique et marquant. Le monde de l’image est prégnant : Jane Birkin actrice et chanteuse bientôt réalisatrice a pour amie la photographe Gabrielle Crawford, elle aura comme compagnon le réalisateur Jacques Doillon, les soeurs de Kate Barry deviendront très jeunes actrices et modèles, etc.
À l’adolescence, Kate Barry semble trouver sa voie dans le stylisme en intégrant en 1983 l’école de la Chambre syndicale de la couture à Paris. Alors que ses créations font l’objet de premiers défilés dès 1985, son parcours est perturbé par plusieurs dépendances. Son séjour, au début des années 1990, dans un centre londonien adepte de la méthode dite « Minnesota » la convainc de fonder un tel centre en France. Initiée en 1991, l’association APTE [Aide et Prévention des Toxicodépendances par l’Entraide] accueille ses premiers patients à partir de 1994. Peu après, Kate Barry abandonne le stylisme pour la photographie. « La photo n’a pas été une évidence. Loin de là. C’est un amoureux quand j’avais 16 ans qui m’a donné mon premier appareil photo. Et c’est encore un amoureux qui m’a donné un appareil photo bien plus tard, à 28 ans. C’était un plaisir que je ne voyais pas. Je me suis fait plaisir plus tard, quand cette notion a pris de l’importance, quand il a fallu construire à nouveau. J’ai pu créer mon espace, un espace à moi. »
Les débuts sont balbutiants mais déjà empreints de la personnalité de la photographe en devenir. À l’instar de nombreux photographes autodidactes, les proches constituent des modèles de choix. Elle s’approprie l’appareil, apprend à jouer avec la lumière et déjà transparaissent des ambiances mélancoliques, des atmosphères pesantes, des compositions où les vides volontaires concourent à dramatiser les scènes, tandis que sa famille se prête au jeu.
Rapidement, les premières commandes se présentent et Kate Barry multiplie les séances de prises de vue : reportage pour Elle
en octobre 1996 [20 pellicules], commandes de Lui en novembre 1996 [21 pellicules], du Figaro
Madame
[30 pellicules] et de l’agence Sygma [23 pellicules] en décembre 1996. Le rythme est toujours aussi soutenu dans les premiers mois de l’année suivante avec des portraits d’Alexandra Kazan, Françoise Hardy, Sabine Azéma, Maïwenn, et ce pour le seul 1er trimestre 1997. Les magazines, ceux de mode en particulier, sont encore à l’apogée de leur diffusion et la profusion des titres offrent à Kate Barry de nombreuses opportunités. Elle
, Vogue
, Cosmopolitan
, Jalouse
, L’Officiel
, Gala
, Off Femme
, DS
puis plus tard H&K
, Glory
, Madame
Figaro
, Elle Japon
, Joyce
, Vanity Fair
, etc. : cette liste non exhaustive de titres traduit la grande variété de magazines qui s’adressent à elle, la diversité stylistique portée par chacun d’entre eux et à laquelle la photographe s’efforce de répondre.
Jusqu’alors environnée de photographies et de producteurs d’images de toutes sortes, elle-même modèle pour ses propres créations de mode, Kate Barry s’installe rapidement à partir de 1996 comme une photographe qui compte : son accès privilégié à certaines personnalités, ainsi que l’univers visuel singulier qu’elle sait créer et qui lui est propre, achèvent de convaincre nombre de commanditaires et de modèles à faire appel à elle. Son implication au monde aussi. Ses engagements sont nombreux : une affiche pour Ni Putes Ni Soumises en 2003, la couverture pour le 1er numéro de Rose
, magazine dédié aux femmes atteintes d’un cancer [automne 2011], une série de portraits engagés de personnalités dans le cadre de la Vague blanche pour la Syrie en 2012 [où elle photographie Sandrine Bonnaire, Sonia Rykiel et Sophie Marceau dans le cadre d’un projet photographique et politique initié par Sarah Moon]. Par ailleurs, Kate Barry n’hésite pas à brouiller son image de photographe de mode et de personnalités du show-business et du cinéma : même s’il s’agit au départ d’une commande, elle s’investit particulièrement dans une série de portraits réalisés à Rungis dans le cadre des 40 ans du célèbre marché [2009].
À partir de 2002 et jusqu’à, au moins, 2008, Kate Barry s’essaie à un genre nouveau pour elle, le paysage, et c’est là que toute sa sensibilité va s’exprimer. Seule face à la nature, elle saisit des détails, sans forcément y réfléchir, se met en œuvre, comme le suggère Marie Darrieussecq, « une flânerie active, une flânerie déterminée [si une telle chose peut exister] ». En contrepoint de sa pratique du portrait, Kate Barry évoque la nécessité de s’essayer à une autre forme de photographie : « C’est pourquoi j’ai fait des photos de lieux. Pour perdre mes repères, perdre ce regard croisé, ce regard reconnaissant. » Dans ses paysages, réalisés au gré de ses voyages en Israël, en Jordanie, en Normandie [Le Havre notamment], en Bretagne [à Dinard avec Jean Rolin], Kate Barry construit une œuvre délicate, fragile, suscitant l’introspection. Ses proches évoquent ses paysages comme étant son « vrai » travail photographique, le plus proche de sa personnalité, celui où ses inquiétudes et ses silences s’expriment le mieux.
Alors que Jean Rolin nous narre que « Kate avait pris cette habitude de filmer, à l’aide d’un appareil photo miniature et d’une manière un peu compulsive, non pas même tout ce qui se passait autour d’elle, mais plutôt ce qui se déroulait à ses pieds » et que très rarement elle relevait la caméra pour filmer le décor, les paysages de Kate Barry surprennent justement par leurs cadrages et leur atmosphère. Jamais elle ne semble lever la tête : la ligne d’horizon est haute, part belle est donnée aux sols et à leur altérité. Ses paysages proposent des sujets peu communs[cimetières, murs défraîchis, détritus abandonnés dans un sous-bois, etc.], des ambiances mélancoliques [là une plante qui s’extrait du bitume tant bien que mal, ici une route de campagne mal entretenue sous un ciel qui semble plombé], des corps anonymes comme perdus dans des décors urbains où la nature reprend ses droits, etc. En ce sens, les photographies avec Jean Rolin pour l’ouvrage Dinard, Essai d’autobiographie
Immobilière
font œuvre de manifeste de sa pratique du paysage, succession de « lieux indécis » dont ils partagent tous deux le goût.
Quand sa carrière est brutalement stoppée en décembre 2013, Kate Barry envisageait des projets de documentaires, ceux inaboutis autour des auteures Flannery O’Connor ou Mary McCarthy ou celui consacré à Philippe Djian. Actrice des changements provoqués par l’émergence des technologies numériques suscitant une porosité accrue entre images fixes et images animées, Kate Barry poursuivait là une démarche représentative d’une photographe de son temps : enfant puis adolescente au cœur des années 1970-1980 quand la médiatisation à outrance de certaines figures célèbres s’accentue, jeune femme assiégée par un monde d’images dans son propre quotidien, elle-même productrice d’images photographiques en amateure avant d’exercer comme professionnelle, photographe de commande puis auteure à part entière exposant et vivant de sa photographie.
L’étude du fonds Kate Barry nous montre les différents possibles de notre rapport à la photographie. L’auteure y déploie sa personnalité et son espace à elle, d’abord cernée par les images des autres avant de devenir elle-même productrice d’icônes.
Sylvain Besson

28, Quai des Messageries
71100 Chalon-sur-Saône
tel / + 33 (0)3 85 48 41 98
e-mail / contact@museeniepce.com
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Bertrand Meunier,
Erased
17 juin ... 17 septembre 2023
inauguration : mercredi 14 juin 2023 à 18h30
Commissariat de l’exposition : Sylvain Besson, Bertrand Meunier
Exposition co-produite avec le musée de la Photographie de Charleroi.
Avec le soutien de Picto Foundation.
Le musée remercie : Les Amis du musée Nicéphore Niépce, Canson
Un livre accompagne l’exposition : Bertrand Meunier, Erased,
texte, Pierre Haski, Atelier EXB, Paris, 2023
Présentation de l’exposition à la presse :
vendredi 16 juin, 18 h, en présence de Bertrand Meunier, Pierre Haski, Sylvain Besson et des partenaires.
Visite commentée de l’exposition par Bertrand Meunier et Pierre Haski :
samedi 17 juin, 14 h 30
Réservation conseillée : 03 85 48 41 98
[gratuite]

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Membre du collectif Tendance Floue, prix Niépce en 2007, Bertrand Meunier est le parfait représentant de cette photographie documentaire française au regard décalé, au style cinématographique, attachée à la photographie argentique, pour qui le médium est un outil de compréhension du monde avant d’être une technique d’enregistrement. Depuis ses débuts à l’agence VU’ et les commandes de Newsweek
et Libération
, le photographe a affiné son approche. Son exigence et sa rigueur offrent au regardeur une vision du monde sans fioritures, qui invite au questionnement et à la réflexion.
Bertrand Meunier a confié son fonds photographique au musée en 2021 et a invité l’institution chalonnaise à revisiter avec lui ses archives.
L’exposition Erased
propose
en quelque 80 tirages argentiques,
des vidéos, des installations,
des coupures de presse, un regard
renouvelé sur le travail au long
cours, mené par le photographe
en Chine de 1999 à 2019.
Bertrand Meunier a, par
des séjours réguliers, su saisir
les transformations de la Chine
durant les vingt dernières années,
de l’intégration de cette dernière
à l’Organisation Mondiale
du Commerce [2001] aux
manifestations à Hong-Kong
de 2019-2020, avant que l’épidémie
de COVID ne ferme le pays
aux étrangers.
Un texte du journaliste Pierre Haski
[correspondant pour Libération
en Chine durant six ans pendant
les années 1990], accompagnera
un livre dédié au travail
« chinois » de Bertrand Meunier
[aux éditions EXB] et servira
de fil conducteur à la scénographie
de l’exposition.

La photographie est faite d’exactitude, de fidélité dans la reproduction du réel. Le photojournaliste capte le monde pour montrer, pour dénoncer et pour rendre compte. Membre du collectif Tendance Floue, Bertrand Meunier est en apparence dans cette logique. Pourtant, sa photographie est le contraire du [photo-] reportage. Même si ses clichés furent, un temps, publiés dans les magazines et les journaux [Newsweek ou Libération principalement] et qu’il fut diffusé par l’agence VU’ au début des années 2000, ils ne répondent à aucune des injonctions de la presse. Bertrand Meunier est un photographe du temps long, du noir et blanc, qui se refuse aux images « faciles ». Pour chacun des pays qu’il choisit de photographier, ce sont des séjours répétés, répartis sur plusieurs années, durant lesquels il va tourner obstinément autour de ses sujets, où sa subjectivité et son ressenti occupent toute la place.
Erased
est le grand œuvre de Bertrand Meunier. Depuis 1997 qu’il se rend en Chine, il a photographié la disparition progressive du monde paysan au bénéfice de l’industrie puis le remplacement progressif de cette dernière par l’économie tertiaire et les nouvelles technologies. Avec Erased
, il nous montre les profondes transformations de la Chine de ces trente dernières années, sous l’impulsion du Parti communiste et les directions successives de Jiang Zemin [1989-2002], Hu Jintao [2002-2012] et Xi Jinping [depuis 2012]. Erased
accompagne les mutations de la société chinoise, les ouvertures et fermetures successives au capitalisme, le contrôle de la population de plus en plus marqué, les conséquences sociales et humaines des décisions du Parti qui autorisent la Chine d’aujourd’hui à se considérer l’égal des États-Unis aux niveaux économiques, diplomatiques et militaires, à l’instar de l’U.R.S.S. d’autrefois.
Le monde est complexe et Bertrand Meunier s’efforce d’en rendre compte. La Chine nous semble lointaine. Mais chaque jour, l’Occident consomme chinois, nos dirigeants composent avec le régime, les grandes réformes successives menées par le Parti contribuent à [re]placer la Chine au cœur des enjeux géopolitiques les plus cruciaux de notre temps. Erased
est, en ce sens, essentiel pour appréhender le monde d’aujourd’hui. À défaut de nous donner des clés pour comprendre la Chine, cet œuvre au long court nous expose, sans concession, la résilience d’un peuple aux injonctions d’un parti dirigeant tout puissant Bertrand Meunier nous invite à nous projeter dans ses photographies pour que nous fassions corps avec les protagonistes, pour que les cultures asiatiques, et la culture chinoise en particulier, nous concernent et nous interpellent.
Les photographies de Bertrand Meunier ne sont pas spectaculaires : aucun évènement historique, aucun tremblement de terre, aucune manifestation, ou alors, par accident ou [presque] par hasard. Bertrand Meunier ne recherche pas le scoop mais se positionne au niveau de la rue, s’approche au plus près des personnes et tente de capter les effets de la corruption et des décisions centrales mal appliquées ou biaisées à mesure que l’on s’éloigne des centres de pouvoir. En noir et en niveau de gris, il photographie le quotidien de la Chine. Peu importe la succession de dirigeants, des changements brutaux que ces derniers imposent à la population, l’être humain s’adapte, vit, survit, ploie, contourne, détourne. En ce sens, ces clichés sont universels et, dans une société toujours plus corsetée, la résilience se révèle. La crainte aussi, parfois. Meunier nous fait « rentrer » dans une société qui pourrait être la nôtre [ou l’est déjà, ou est en passe de le devenir] : modifications des paysages et déplacement de population [le barrage des Trois-Gorges à partir de 2003], corruption et scandales [celui du sang du Henan, années 1990], surveillance accrue des populations, répression des contestations [Révolution des parapluies à Hong Kong, 2014], etc. Jusqu’au COVID, quand, de fait, Bertrand Meunier n’a pu se rendre en Chine. Pour autant, ses clichés concourent à nous rendre évidents les atermoiements de la classe dirigeante chinoise pour communiquer sur la gravité de la pandémie, ses hésitations quant au confinement avant la soudaine et radicale politique répressive du « zéro COVID » puis la fin aussi subite que brutale de cette politique et le refus de vaccins étrangers.
Bertrand Meunier reste fidèle à la technologie argentique, à la lenteur qu’elle induit et qu’il affectionne particulièrement. Il utilise des films extrasensibles et produit des tirages argentiques le plus souvent dans le format traditionnel du 40 x 60 cm, qu’il aime à assembler en mosaïque au bénéfice de la narration. Les sujets évoluent devant nous, en apparence indifférents aux contraintes de leur temps et au photographe. Il en résulte une œuvre cohérente et homogène, comme une séquence quasi sans fin d’un film qui durerait depuis 20 ans ; d’ailleurs, le qualificatif « cinématographique » revient régulièrement lorsque l’on évoque le travail de Meunier. Les photographies sont denses, presque charbonneuses. Pour les paysages, les plans sont larges et des personnages semblent les traverser comme des fantômes, tandis que pour les portraits, les cadrages sont resserrés, les expressions comme en suspens. Meunier égrène des immeubles à moitié détruits, des bras et des dos qui portent, des visages tendus mais aussi des partages et des échanges de regards, des références au cinéma nombreuses. Est proposé au regardeur un avenir apocalyptique fait de ruines autant que de modernité mal maîtrisée et absorbée à marche forcée.
L’être humain survit, l’être humain oppresse. C’est peut-être cela le véritable sujet photographique de Bertrand Meunier, qu’il explore dans chaque lieu visité, en France, en Chine, en Corée du Sud ou au Pakistan. La contrainte, la violence des politiques, voilà le leitmotiv de son œuvre. Les moyens sont différents, les régimes politiques également, mais il est toujours question de contrôle des populations ou de manipulation de la mémoire collective. Sans complaisance, Meunier montre des individus qui vivent, voire survivent, quelles que soient les injonctions de leurs dirigeants.
Le style et l’écriture photographique de l’auteur évacuent tout pathos ou voyeurisme et tentent de faire ressentir la violence de sociétés où des décisions prises par un nombre restreint de personnes ont des effets sur le plus grand nombre. De cette violence, Bertrand Meunier en rend compte par l’absence de couleurs, par la poussière, par les ruines, par les regards, par ses noirs si denses. Ses clichés en deviennent intemporels. De fait, il ne souhaite ni sensibiliser ni concerner mais bien partager ses questionnements. Bertrand Meunier a confié son fonds photographique au musée Nicéphore Niépce en 2021. Nous avons revisité avec le photographe les 3000 planches contact consacrées à la Chine pour proposer cette version de Erased
.
Erased
ou la disparition de mondes successifs; Erased
ou faire en sorte que ces mondes ne soient pas totalement effacés. En nous prêtant ses yeux emplis de doutes par l’entremise de l’appareil photographique, Bertrand Meunier nous oblige à ouvrir les nôtres. Et à douter, avec lui.
Sylvain Besson

En traversant le miroir
[extraits du texte
publié dans l’ouvrage Bertrand Meunier, Erased
]
Quelques semaines après
mon installation à Pékin comme
correspondant de Libération
,
à l’été 2000, je pris une décision :
je ne chercherais pas à « expliquer »
la Chine, mais à la « montrer ».
Cela peut sembler étrange pour
un journaliste justement envoyé
dans un pays lointain afin de
décrypter la complexité du monde.
Mais je réalisai très vite que chacune
des facettes de la gigantesque
et historique transformation
chinoise dont j’étais le témoin
était une partie de la réalité,
qui ne permettait pas pour autant
de comprendre ce qui se jouait
globalement. Ma démarche
s’apparentait donc à celle
d’un photographe, dont chaque
cliché a sa vie propre, mais
qui commence à « faire sens »
lorsqu’il est associé aux autres,
sur le temps long.
Un magazine économique chinois
m’a demandé un jour – c’était
une époque où le journaliste occidental n’était pas nécessairement un « ennemi » – de raconter mon travail en Chine pour son numéro de fin d’année. J’y expliquais comment j’avais le sentiment de traverser constamment le miroir entre plusieurs Chines, et que je vivais cela comme un privilège dont les Chinois eux-mêmes sont privés – ou, bien souvent, se privent volontairement.
Je racontais deux moments
de l’année écoulée, un reportage
dans une zone déshéritée
de la Chine rurale, où l’ascenseur social n’était pas encore passé ; et une soirée costumée dans l’univers des start-up de Pékin, où le déguisement le plus fréquent
avait été celui de Garde rouge, les partisans fanatisés de Mao pendant la révolution culturelle. J’exprimais ma perplexité face à ce grand écart de la société chinoise et, surtout, le cynisme de la nouvelle élite pékinoise, dénuée de tout sens de l’histoire.
[…]
En deux décennies, j’ai donc vu
la Chine prendre la parole, et
la perdre ; atteindre un développement
économique et une prospérité
qui semblaient inatteignables aussi
vite, et se demander si le prix
à payer n’a pas été trop élevé,
si elle s’en remettra, et comment. Il faut toujours avec la Chine
se garder de jugements trop hâtifs,
de sentences définitives, car
l’Histoire a montré à quel point
elle était imprévisible, éruptive,
et jamais réellement soumise.
Se garder donc de vouloir
l’expliquer à coups de concepts et de théories ; il faut déjà la « voir »,
dans sa complexité, sa diversité,
sa richesse et ses failles. C’est
ce qu’a fait, sur le temps long, avec
son regard et son talent, mon ami
Bertrand Meunier. Il a ainsi fait
œuvre utile.
Pierre Haski

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L'accroche-coeur
voyages dans la collection
de Nathalie Casabo-Emprin
23 février ... 21 mai 2023
Inauguration : mercredi 22 février à 18h30

Jusqu’au milieu des années 1980, la reconnaissance des photographes comme artistes à part entière et l’émancipation de la photographie de ses caractères documentaires ou techniques ne sont pas acquis. Quelques précurseurs institutionnels posent pourtant les premières bases : le musée français de la Photographie de Bièvres est fondé en 1964, le musée Réattu à Arles qui inaugure un département photographie en 1965, la Bibliothèque Nationale crée un département dédié à la photographie sous l’égide de Jean-Claude Lemagny en 1968 et le musée Nicéphore Niépce, créé en 1972, ouvre ses portes au public en décembre 1974. De son côté, le marché se met timidement en place avec quelques galeries dédiées [notamment Agathe Gaillard
en 1975, Baudoin
Lebon
en 1976, Studio 666
en 1980 ou Le Réverbère
en 1981]. Certains photographes sont eux-mêmes à l’initiative de cette reconnaissance : Jean-Pierre Sudre organise au sein de la galerie La Demeure
des expositions qui confrontent auteurs contemporains et maîtres du passé [« Sieff / Bayard », décembre 1968 ; « Dieuzaide / Talbot » en 1971 par exemple] ; Jean Dieuzaide ouvre la Galerie du Château d’Eau en 1974.
Au début des années 1990, la situation a déjà considérablement évolué. Le Mois de la Photo
à Paris propose depuis 1980 des expositions traduisant la diversité du médium et des approches, expositions complétées par des catalogues, des colloques, des rencontres-débats, etc., contribuant à augmenter la visibilité de la photographie. La naissance du Centre National de la Photographie en 1982 entérine la promotion par l’État de la création photographique contemporaine française. La demande du public d’ailleurs est forte, soutenue par des initiatives comme celle de la FNAC qui ouvre ses galeries photos en 1969 et commercialise avec force conseils du matériel photographique désormais accessible à tous ; les expositions présentées dans les galeries FNAC sont également accompagnées de rencontres et de débats.
De fait, une nouvelle génération de photographes émerge, soutenue par les institutions, les critiques, le marché. Des débats esthétiques inédits s’imposent et le sacrosaint 30 x 40 noir et blanc cher aux humanistes est supplanté par de grands tableaux photographiques en couleurs. Des artistes contemporains s’emparent du médium photographique et les expérimentations se multiplient tandis que de nouvelles revues voient le jour tentant de rendre compte de cette multiplication des approches [Photo
, Zoom
, Contrejour
, Camera International
, Photographie Nouvelle
, etc.].
Au cœur de ce foisonnement photographique des années 1980, Nathalie Casabo-Emprin [NCE] expose en 1988 le collectif Noir Limite
qui vient d’être censuré à Bourges à la galerie Suzel Berna
[installée à Antibes depuis 1982 et spécialisée dans la sculpture verre et la peinture]. S’ensuit en 1989 « Les trois maîtres de l’étrange », confrontant les photographies de Ralph Gibson, Eikoh Hosoé et Arno Minkkinen et les sculptures en verre de l’américain Dale Chihuly. Le succès de ce « dialogue » entre photographies et sculptures verre, toutes deux façonnées par la lumière, convainc la galerie de se lancer et explorer cette nouvelle forme. NCE intègre la galerie et la photographie la galerie et la photographie y prend pleinement place.
Pionnières en ce domaine,Suzel Berna
et NCE présentent systématiquement en duo ou en collectif les sculptures en verre et les photographies d’artistes internationaux. Stimulés par cette approche, artistes et publics encouragent la galerie à ouvrir un espace parisien en 1990. Une vingtaine d’expositions souvent accompagnées de débats, conférences – animées par des philosophes [Robert Pujade], historiens [Hervé Le Goff], conservateurs [Jean-Claude Lemagny], journa-listes [Jean-Christian Fleury] – et signatures de livres [Michel Tournier/Arno Minkkinen] auront lieu jusqu’en 1995.
Dès 1991, NCE organise des expositions à l’extérieur et devient l’agent d’Arno Minkkinen et de plusieurs photographes. Commencent alors des projets plus ambitieux comme la réalisation du livre [Marval-Aperture, Prix des Rencontres d’Arles 1994] et de la rétrospective Waterline
[20 ans d’autoportraits de Minkkinen] présentée au Pori Art Museum en Finlande, au Musée de l’Élysée de Lausanne, aux Rencontres d’Arles en diaporama, et à la galerie avec la signature du livre par Michel Tournier. Le développement de ces activités l’amène à quitter la galerie Suzel
Berna
et à créer sa propre structure
en 1995 : NCE Photographie Contemporaine
. Dès lors, NCE
adapte son fonctionnement :
elle n’offrira plus seulement un lieu
d’exposition mais sera également
agente et productrice d’expositions
aux thèmes souvent audacieux
et qui nourrissent la créativité
des photographes. À la fois agence
donc mais aussi galerie itinérante
et proposant à la location
des expositions monographiques
ou collectives « clés en main »,
la structure fait montre d’un engagement
en faveur des photographes
peu commun pour l’époque.
Exposer c’est choisir et les choix de NCE peuvent parfois sembler des coups de coeur plus qu’une ligne éditoriale, tant le profil des auteurs semble a priori
hétérogène. Or bien au contraire, une fois confrontés entre eux, se dégagent des différents corpus, une vraie cohérence et une vraie ligne directrice. NCE Photographie
Contemporaine
fait le choix d’une approche peu orthodoxe : alors que la mode est au renouveau de la photographie française, aux changements de format, à la couleur, NCE défend une photographie souvent engagée, sans frontières et sans tabou. C’est ainsi qu’elle expose dès 1990, The Sisters of Perpetual Indulgence
de Jean-Baptiste Carhaix, Persona
Grata et Ignudi
, nus masculins de Lenni Van Dinther, le TB-AIDS
Diary
de l’américaine Linda Troeller, les travaux de Philippe Hédan [mort du Sida peu après son exposition au Musée Réattu] et «
Sida&prévention »
invitant 30 artistes internationaux à créer une œuvre sur ce thème en 1993. Elle s’attache à faire connaître la photographie finlandaise au public français, en initiant la première rétrospective de la photographie finlandaise au Mois de la Photo à Nice, « Finnice », en 1991, en créant l’exposition « Vents du Nord, 6 regards finlandais sur la terre – l’homme – la matière » pour le mois de la photo à Talant en 1995, et « Une histoire finlandaise » pour le centre photographique de Rouen en 1997.
NCE promeut aussi la photographie française à l’étranger. En 1996, l’exposition « Suds » rassemblant huit jeunes auteurs français est présentée à la Fondation italienne de la Photographie à Turin après avoir été inaugurée au Musée de la Photographie d’Helsinki en Finlande avec lequel NCE collaborera à plusieurs reprises. « Un alphabet intime », réunissant les œuvres de Boubat, Clergue et Dieuzaide, est exposé à la Galerie Otso en partenariat avec le centre culturel français d’Helsinki. Agent de nombreux photographes étrangers et de jeunes auteurs français, NCE collabore avec des institutions mais aussi des galeries européennes et des maisons d’édition. La production de l’exposition et du livre Alemeshaye et autres histoires
de femmes
de Shanta Rao, lauréate du European Publishers Award
for Photography 1995
[Éd. Braus, Stichting Fragment Foto, Lunwerg Editores, Dewi Lewis Publishing, Marval, Peliti Associati] en est un exemple. Mais être agent engage et contraint : la galerie défend, soutient et encourage alors la personne, son travail et ses œuvres. Pérenniser une telle structure, indépendante, avec autant d’artistes, sans mécènes, sans subventions, et sans céder aux diktats de la mode, était sans doute utopique ou trop ambitieux ;
L’aventure s’achève en 2002 aprèsl’exposition « Les Métamorphoses » en 2001 à Paris. Une grande partie du fonds de NCE Photographie contemporaine y est présentée et plusieurs personnalités [Anne Sanciaud, Jean-Claude Lemagny, Gérard Haddad, psychanalyste et écrivain, le photographe Bogdan Konopka, les journalistes Armelle Canitrot, Yan Le Goff, Jeanne Fouchet...] viennent parler des œuvres de leurs choix, rendant ainsi une dernière fois hommage à la galerie et à sa collection.
Force est de constater que peu nombreuses sont les galeries dédiées à la photographie créées dans les années 1980 connues du grand public ayant encore pignon sur rue aujourd’hui. Appartenant à la deuxième vague des galeries consacrées spécifiquement à la photographie, NCE s’est affichée comme défricheuse alors que le marché était encore balbutiant [la foire Paris-Photo n’existe que depuis 1997].
L’exposition « L’accroche-coeur » nous invite à voyager dans l’activité de la galerie Suzel Berna /
NCE Photographie Contemporaine, de 1989 au début des années 2000. Elle raconte une épopée, une histoire de la photographie en train de s’écrire et de s’inscrire progressivement dans le marché de l’art, dans une fin de siècle en pleine mutation avec l’avènement du numérique qui se profile.
« L’accroche-coeur », Voyages
dans la collection de Nathalie
Casabo-Emprin
s’organise comme une balade poétique à travers les principales expositions collectives ou personnelles. Autant de projets qui rendent compte de la richesse des techniques photographiques employées par les photographes de cette époque [gommes bichromates, tirages au palladium, polaroids transferts, etc.], et de la diversité des approches artistiques pour questionner le monde.
Artistes associés /
> Les trois maîtres de l’étrange :
Ralph Gibson,
Eikoh Hosoe,
Arno Minkkinen.
> Vents du Nord / Une histoire finlandaise / Finnice :
Stefan Bremer,
Ulla Jokisalo,
Timo Kelaranta,
Harri Larjosto,
Arno Rafael
Minkkinen,
Jyrki Parantainen,
Jorma Puranen,
Pentti Sammallahti.
> Nus masculins / Visions au féminin :
Emmanuelle Barbaras,
Shanta Rao,
Nadine Wergifosse,
Lenni Van Dinther.
> Un alphabet intime :
Édouard Boubat,
Lucien Clergue,
Jean Dieuzaide.
> Sida&prévention :
Vasco Ascolini,
Emmanuelle Barbaras,
Jean-Baptiste Carhaix,
Franco Fontana,
Thierry Géraud,
Ralph Gibson,
Michael Von Graffenried,
Timo Kelaranta,
Arno Minkkinen,
Linda Troeller,
Valérie Winckler.
> H 2 O :
Kristof Albrecht,
Carmelo Bongiorno,
Eric Bourret,
Edouard Boubat,
Christophe Bourguedieu,
Lucien Clergue,
Jean Dieuzaide,
Connie Imboden,
Bogdan Konopka,
Tuija Lindström,
Peter Maurer,
Arno Minkkinen,
Jyrki Parantainen,
Jorma Puranen,
Shanta Rao,
Pentti Sammallahti,
Patrick Toth,
Linda Troeller,
Lenni Van Dinther.
> Suds :
Emmanuelle Barbaras,
Didier Ben Loulou,
Christophe Bourguedieu,
Frances Dal Chele,
Anne Delassus,
Yann De Fareins,
Thierry Géraud,
Shanta Rao.
> Accrochage libre :
Vasco Ascolini,
Jean-Claude Bélégou,
Carmelo Bongiorno,
Toni Catany,
Jean-Baptiste Carhaix,
Florence Chevallier,
Barbara Crane,
Frances Dal Chele,
Jean Dieuzaide,
Thierry Géraud,
Philippe Hédan,
Timo Kelaranta,
Ralph Louzon,
Tuija Lindström,
Peter Maurer,
Olivier Pasquier,
Michel Semeniako,
Yves Trémorin,
Lenni Van Dinther.

![Shanta Rao [1966] Sans titre vers 1990 Tirage sur papier au gélatino-bromure d’argent © Shanta Rao/ADAGP 2023 Shanta Rao [1966] Sans titre vers 1990 Tirage sur papier au gélatino-bromure d’argent © Shanta Rao/ADAGP 2023](/var/ezflow_site/storage/images/exposition/actuelles/l-accroche-coeur-voyages-dans-la-collection-de-nathalie-casabo-emprin/nce/60019-1-fre-FR/NCE_smartphone.jpg)
![Barbara Crane [1928-2019] Série «Objets trouvés» 1983 Tirage sur papier au gélatino-bromure d’argent © Barbara Crane Studio Barbara Crane [1928-2019] Série «Objets trouvés» 1983 Tirage sur papier au gélatino-bromure d’argent © Barbara Crane Studio](/var/ezflow_site/storage/images/exposition/actuelles/l-accroche-coeur-voyages-dans-la-collection-de-nathalie-casabo-emprin/nce3/60040-1-fre-FR/NCE_smartphone.jpg)
![Arno Rafael Minkkinen [1945] Autoportrait, Nauvo, Finlande 1973 Tirage sur papier au gélatino-bromure d’argent © Arno Rafael Minkkinen Arno Rafael Minkkinen [1945] Autoportrait, Nauvo, Finlande 1973 Tirage sur papier au gélatino-bromure d’argent © Arno Rafael Minkkinen](/var/ezflow_site/storage/images/exposition/actuelles/l-accroche-coeur-voyages-dans-la-collection-de-nathalie-casabo-emprin/nce5/60056-2-fre-FR/NCE_smartphone.jpg)
![Jean-Baptiste Carhaix [1946] Sister Hellina Handbasket 1993 Tirage sur papier au gélatino-bromure d’argent © Jean-Baptiste Carhaix Jean-Baptiste Carhaix [1946] Sister Hellina Handbasket 1993 Tirage sur papier au gélatino-bromure d’argent © Jean-Baptiste Carhaix](/var/ezflow_site/storage/images/exposition/actuelles/l-accroche-coeur-voyages-dans-la-collection-de-nathalie-casabo-emprin/nce6/60064-1-fre-FR/NCE_smartphone.jpg)
![Connie Imboden [1953] Visceral Thoughts 1987 Tirage sur papier au gélatino-bromure d’argent © Connie Imboden Connie Imboden [1953] Visceral Thoughts 1987 Tirage sur papier au gélatino-bromure d’argent © Connie Imboden](/var/ezflow_site/storage/images/exposition/actuelles/l-accroche-coeur-voyages-dans-la-collection-de-nathalie-casabo-emprin/nce7/60072-1-fre-FR/NCE_smartphone.jpg)
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Cinematographer
25 février ... 21 mai 2023
Inauguration : lundi 27 février à 18h15
Le musée Nicéphore Niépce présente une sélection de travaux photographiques personnels réalisés par des membres de l’Association Française des directrices et directeurs de la photographie cinématographique [AFC].
Faut-il le rappeler, le cinéma est l’émanation de la photographie. Il a fallu d’abord décomposer le mouvement en images fixes, [ce qu’ont fait Jules Étienne Marey et Edweard Muybridge dans les années 1870], puis trouver le moyen de faire défiler ces images au rythme de 24 par secondes pour les animer [les frères Louis et Auguste Lumière, 1895]. Dans les années 1930, la photographie se répand dans les livres, dans la presse, prend peu à peu le pas sur le texte, et adopte les codes narratifs cinématographiques [séquences, expressivité, etc.]. Les histoires se racontent par l’image. Et si longtemps seront étudiées les différences entre image fixe et image animée, le passage aux technologies numériques au début des années 2000 semble avoir atténué les réflexions sur les antagonismes des deux pratiques pour les concentrer sur leurs concordances. Notre culture visuelle ne s’arrête plus à cette opposition et la frontière est désormais poreuse. Par l’opération du montage et l’organisation des séquences entre elles, le cinéma fait des histoires. Un film est un travail d’équipe : chaque rôle est déterminé, chaque tâche décomposée. Au-delà du scenario, du rôle du réalisateur, du jeu des acteurs, les techniciens participent aussi aux effets narratifs : les ingénieurs son, les décorateurs, accessoiristes, et les chefs opérateurs ou directeurs de la photographie. En anglais, ces derniers se désignent avec la neutralité du vocable « Cinematographer ». Ceux-là sont des professionnels de l’image, des professionnels du cadrage et de la lumière.
Quand la caméra est éteinte et l’équipe de tournage au repos, certains, certaines, de ces « cinematographer » retournent à la photographie. Ils et elles continuent de cadrer, de regarder le monde à travers un viseur, d’observer, d’attraper les lumières, les couleurs, de capter les ambiances. Certains, certaines commencent de nouvelles histoires, plus intimes, plus solitaires, mais toujours écrites avec la lumière. Des histoires amorcées, en images, comme des « photogrammes de films qui n’existent pas » [Pascale Marin].
L’exposition présentera les séries photographiques de : Gertrude Baillot, Céline Bozon, Sébastien Buchmann, Rémy Chevrin, Jean-Marie Dreujou, Denis Lenoir, Laurent Machuel, Pascale Marin, Claire Mathon, David Nissen, Pierre Novion et David Quesemand.
En parallèle, une seconde exposition « Chefs Op’ : L’autre du 27 février au 16 mars 2023 à l’Espace des Arts à Chalon-sur-Saône une sélection de photographies de vingt-six membres de l’AFC.
Chef opérateur, Chef op’, cinematographer, directeur de la photographie… quelle que soit l’appellation choisie, elle désigne un métier, un maillon central de la production cinématographique. Dans le processus de fabrication d’un film, tout ce qui a trait à l’image, tout ce qui sera vu par le spectateur relève de leur responsabilité et de leurs compétences. Les cadrages, les techniques d’enregistrement, mais surtout la création, le choix et l’exécution de la lumière. C’est leur travail que ce festival met à l’honneur. Quelles pratiques ces professionnels de l’image animée ont-ils gardé de la photographie ? À cette question curieuse, vingt-six des membres de l’AFC [Association Française des directrices et directeurs de la Photographie Cinématographique], ont répondu présents. À travers des citations de leurs travaux personnels, vous pourrez découvrir toute la diversité et la richesse de leurs créations photographiques.
Avec les travaux de : Robert Alzraki, Gertrude Baillot, Hazem Berrabah, Céline Bozon, Sébastien Buchmann, François Catonné, Rémy Chevrin, Jean-Marie Dreujou, Isabelle Dumas, Nathalie Durand, Jean-Noël Ferragut, Nicolas Gaurin, Jimmy Glasberg, Thierry Jault, Denis Lenoir, Laurent Machuel, Baptiste Magnien, Pascale Marin, Stephan Massis, Claire Mathon, David Nissen, Pierre Novion, Steeven Pettiteville, Gilles Porte, David Quesemand et Gordon Spooner.
Commissariat de l’exposition :
Émilie Bernard et Emmanuelle Vieillard, musée Nicéphore Niépce
Exposition réalisée en partenariat avec le Festival Chefs Op’ en Lumière
Avec le mécénat de Canson
Tous les tirages de l’exposition, à l’exception du travail de Sébastien Buchmann, ont été réalisés au laboratoire du musée sur papier Canson Infinity.
Plus d’information sur les chefs opérateurs sur le site de l’AFC :
www.afcinema.com


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Prix Impression Photographique
Ateliers Vortex :
Maxime Laguerre, Débris de synthèse
du 23 février au 31 mai 2023
Vernissage : mercredi 22 février à 18h30
Maxime Laguerre interroge dans son travail le métissage, la notion d’afrodescendance. Que signifie aujourd’hui être d'ascendance africaine et comment les représentations et stéréotypes des personnes noires, leur culture, leur visibilité, influent sur leur place dans la société et leur construction identitaire ?
« Ce travail est inspiré de l’œuvre d’Aimé Césaire, «
Cahier d’un retour au pays natal », ainsi que par l’esthétique du carnet (tant le carnet de croquis, que de notes ou de voyage).
Pour ce projet, j’ai créé un ensemble d’œuvres assemblées autour d’un travail photographique réalisé en novembre 2021 au Togo. Mon but était de composer de nouvelles images à partir de ces photographies, du fonds iconographique du musée Nicéphore Niepce, de mes archives personnelles ainsi que de fragments de textes issus de différents auteurs afrodescendants.
J’ai souhaité une esthétique au plus proche du carnet de croquis où images, notes et références viennent s’entremêler et mettre en lumière une recherche artistique, tant plastique que théorique, autour des notions de Négritude, de Panafricanisme et de Mondialité afin de constituer un ensemble plastique qui saurait traduire au mieux ma découverte du continent africain. L’association de documents vient dialoguer et tisser une relation entre mon travail photographique et les œuvres constitutives de mon accomplissement en tant qu’artiste afrodescendant.
L’ensemble des portraits et de paysages a été réalisé entre les villes de Lomé et Kpalimé. Ce voyage fut mon premier contact avec le territoire africain. Ainsi, après plusieurs mois de gestation, il m’est apparu que la meilleure manière de donner du relief à cette expérience photographique soit de mettre mon travail en lien avec une iconographie précise, ainsi qu’avec les textes fondateurs de ma constitution en tant qu’Être créole, en tant qu’Être du «Tout-monde».
Ce travail a été élu Prix Impression Photographique des Ateliers Vortex (Dijon) et du musée Nicéphore Niépce, avec le soutien de la Région Bourgogne-Franche-Comté.

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