Bertrand Meunier Municipalité autonome de Chongqing avril 2000 © Bertrand Meunier, Tendance Floue
Bertrand Meunier Municipalité autonome de Chongqing avril 2000 © Bertrand Meunier, Tendance Floue

Bertrand Meunier,
Erased
17 juin ... 17 septembre 2023
inauguration : mercredi 14 juin 2023 à 18h30

Commissariat de l’exposition : Sylvain Besso, Bertrand Meunier
Exposition co-produite avec le musée de la Photographie de Charleroi.

Avec le soutien de Picto Foundation.
Le musée remercie : Les Amis du musée Nicéphore Niépce, Canson

Un livre accompagne l’exposition : Bertrand Meunier, Erased,
texte, Pierre Haski, Atelier EXB, Paris, 2023

Présentation de l’exposition à la presse :
vendredi 16 juin, 18 h, en présence de Bertrand Meunier, Pierre Haski, Sylvain Besson et des partenaires.

Visite commentée de l’exposition par Bertrand Meunier et Pierre Haski :
samedi 17 juin, 14 h 30
Réservation conseillée : 03 85 48 41 98
[gratuite]

Téléchargez le dossier presse ici

Membre du collectif Tendance Floue, prix Niépce en 2007, Bertrand Meunier est le parfait représentant de cette photographie documentaire française au regard décalé, au style cinématographique, attachée à la photographie argentique, pour qui le médium est un outil de compréhension du monde avant d’être une technique d’enregistrement. Depuis ses débuts à l’agence VU’ et les commandes de Newsweek et Libération , le photographe a affiné son approche. Son exigence et sa rigueur offrent au regardeur une vision du monde sans fioritures, qui invite au questionnement et à la réflexion.
Bertrand Meunier a confié son fonds photographique au musée en 2021 et a invité l’institution chalonnaise à revisiter avec lui ses archives.

L’exposition Erased propose en quelque 80 tirages argentiques, des vidéos, des installations, des coupures de presse, un regard renouvelé sur le travail au long cours, mené par le photographe en Chine de 1999 à 2019. Bertrand Meunier a, par des séjours réguliers, su saisir les transformations de la Chine durant les vingt dernières années, de l’intégration de cette dernière à l’Organisation Mondiale du Commerce [2001] aux manifestations à Hong-Kong de 2019-2020, avant que l’épidémie de COVID ne ferme le pays aux étrangers.
Un texte du journaliste Pierre Haski [correspondant pour Libération en Chine durant six ans pendant les années 1990], accompagnera un livre dédié au travail « chinois » de Bertrand Meunier [aux éditions EXB] et servira de fil conducteur à la scénographie de l’exposition.

Bertrand Meunier Place centrale du quartier de Zhongshan, Shenyang, province du Liaoning décembre 2005 © Bertrand Meunier, Tendance Floue
Bertrand Meunier Place centrale du quartier de Zhongshan, Shenyang, province du Liaoning décembre 2005 © Bertrand Meunier, Tendance Floue
Bertrand Meunier Lanzhou, province du Gansu juillet 2000 © Bertrand Meunier, Tendance Floue
Bertrand Meunier Lanzhou, province du Gansu juillet 2000 © Bertrand Meunier, Tendance Floue

La photographie est faite d’exactitude, de fidélité dans la reproduction du réel. Le photojournaliste capte le monde pour montrer, pour dénoncer et pour rendre compte. Membre du collectif Tendance Floue, Bertrand Meunier est en apparence dans cette logique. Pourtant, sa photographie est le contraire du [photo-] reportage. Même si ses clichés furent, un temps, publiés dans les magazines et les journaux [Newsweek  ou Libération principalement] et qu’il fut diffusé par l’agence VU’ au début des années 2000, ils ne répondent à aucune des injonctions de la presse. Bertrand Meunier est un photographe du temps long, du noir et blanc, qui se refuse aux images « faciles ». Pour chacun des pays qu’il choisit de photographier, ce sont des séjours répétés, répartis sur plusieurs années, durant lesquels il va tourner obstinément autour de ses sujets, où sa subjectivité et son ressenti occupent toute la place.

Erased est le grand œuvre de Bertrand Meunier. Depuis 1997 qu’il se rend en Chine, il a photographié la disparition progressive du monde paysan au bénéfice de l’industrie puis le remplacement progressif de cette dernière par l’économie tertiaire et les nouvelles technologies. Avec Erased , il nous montre les profondes transformations de la Chine de ces trente dernières années, sous l’impulsion du Parti communiste et les directions successives de Jiang Zemin [1989-2002], Hu Jintao [2002-2012] et Xi Jinping [depuis 2012]. Erased accompagne les mutations de la société chinoise, les ouvertures et fermetures successives au capitalisme, le contrôle de la population de plus en plus marqué, les conséquences sociales et humaines des décisions du Parti qui autorisent la Chine d’aujourd’hui à se considérer l’égal des États-Unis aux niveaux économiques, diplomatiques et militaires, à l’instar de l’U.R.S.S. d’autrefois.
Le monde est complexe et Bertrand Meunier s’efforce d’en rendre compte. La Chine nous semble lointaine. Mais chaque jour, l’Occident consomme chinois, nos dirigeants composent avec le régime, les grandes réformes successives menées par le Parti contribuent à [re]placer la Chine au  cœur des enjeux géopolitiques les plus cruciaux de notre temps. Erased est, en ce sens, essentiel pour appréhender le monde d’aujourd’hui. À défaut de nous donner des clés pour comprendre la Chine, cet œuvre au long court nous expose, sans concession, la résilience d’un peuple aux injonctions d’un parti dirigeant tout puissant Bertrand Meunier nous invite à nous projeter dans ses photographies pour que nous fassions corps avec les protagonistes, pour que les cultures asiatiques, et la culture chinoise en particulier, nous concernent et nous interpellent.
Les photographies de Bertrand Meunier ne sont pas spectaculaires : aucun évènement historique, aucun tremblement de terre, aucune manifestation, ou alors, par accident ou [presque] par hasard. Bertrand Meunier ne recherche pas le scoop mais se positionne au niveau de la rue, s’approche au plus près des personnes et tente de capter les effets de la corruption et des décisions centrales mal appliquées ou biaisées à mesure que l’on s’éloigne des centres de pouvoir. En noir et en niveau de gris, il photographie le quotidien de la Chine. Peu importe la succession de dirigeants, des changements brutaux que ces derniers imposent à la population, l’être humain s’adapte, vit, survit, ploie, contourne, détourne. En ce sens, ces clichés sont universels et, dans une société toujours plus corsetée, la résilience se révèle. La crainte aussi, parfois. Meunier nous fait « rentrer » dans une société qui pourrait être la nôtre [ou l’est déjà, ou est en passe de le devenir] : modifications des paysages et déplacement de population [le barrage des Trois-Gorges à partir de 2003], corruption et scandales [celui du sang du Henan, années 1990], surveillance accrue des populations, répression des contestations [Révolution des parapluies à Hong Kong, 2014], etc. Jusqu’au COVID, quand, de fait, Bertrand Meunier n’a pu se rendre en Chine. Pour autant, ses clichés concourent à nous rendre évidents les atermoiements de la classe dirigeante chinoise pour communiquer sur la gravité de la pandémie, ses hésitations quant au confinement avant la soudaine et radicale politique répressive du « zéro COVID » puis la fin aussi subite que brutale de cette politique et le refus de vaccins étrangers.
 
Bertrand Meunier reste fidèle à la technologie argentique, à la lenteur qu’elle induit et qu’il affectionne particulièrement. Il utilise des films extrasensibles et produit des tirages argentiques le plus souvent dans le format traditionnel du 40 x 60 cm, qu’il aime à assembler en mosaïque au bénéfice de la narration. Les sujets évoluent devant nous, en apparence indifférents aux contraintes de leur temps et au photographe. Il en résulte une œuvre cohérente et homogène, comme une séquence quasi sans fin d’un film qui durerait depuis 20 ans ; d’ailleurs, le qualificatif « cinématographique » revient régulièrement lorsque l’on évoque le travail de Meunier. Les photographies sont denses, presque charbonneuses. Pour les paysages, les plans sont larges et des personnages semblent les traverser comme des fantômes, tandis que pour les portraits, les cadrages sont resserrés, les expressions comme en suspens. Meunier égrène des immeubles à moitié détruits, des bras et des dos qui portent, des visages tendus mais aussi des partages et des échanges de regards, des références au cinéma nombreuses. Est proposé au regardeur un avenir apocalyptique fait de ruines autant que de modernité mal maîtrisée et absorbée à marche forcée.

L’être humain survit, l’être humain oppresse. C’est peut-être cela le véritable sujet photographique de Bertrand Meunier, qu’il explore dans chaque lieu visité, en France, en Chine, en Corée du Sud ou au Pakistan. La contrainte, la violence des politiques, voilà le leitmotiv de son œuvre. Les moyens sont différents, les régimes politiques également, mais il est toujours question de contrôle des populations ou de manipulation de la mémoire collective. Sans complaisance, Meunier montre des individus qui vivent, voire survivent, quelles que soient les injonctions de leurs dirigeants.

Le style et l’écriture photographique de l’auteur évacuent tout pathos ou voyeurisme et tentent de faire ressentir la violence de sociétés où des décisions prises par un nombre restreint de personnes ont des effets sur le plus grand nombre. De cette violence, Bertrand Meunier en rend compte par l’absence de couleurs, par la poussière, par les ruines, par les regards, par ses noirs si denses. Ses clichés en deviennent intemporels. De fait, il ne souhaite ni sensibiliser ni concerner mais bien partager ses questionnements. Bertrand Meunier a confié son fonds photographique au musée Nicéphore Niépce en 2021. Nous avons revisité avec le photographe les 3000 planches contact consacrées à la Chine pour proposer cette version de Erased .
Erased ou la disparition de mondes successifs; Erased  ou faire en sorte que ces mondes ne soient pas totalement effacés. En nous prêtant ses yeux emplis de doutes par l’entremise de l’appareil photographique, Bertrand Meunier nous oblige à ouvrir les nôtres. Et à douter, avec lui.
 
Sylvain Besson

Bertrand Meunier Datong, province du Shanxi juin 1997 © Bertrand Meunier, Tendance Floue
Bertrand Meunier Datong, province du Shanxi juin 1997 © Bertrand Meunier, Tendance Floue
Bertrand Meunier Pékin. mars 2007 © Bertrand Meunier, Tendance Floue
Bertrand Meunier Pékin. mars 2007 © Bertrand Meunier, Tendance Floue

En traversant le miroir
[extraits du texte  publié dans l’ouvrage Bertrand Meunier, Erased ]
 
Quelques semaines après  mon installation à Pékin comme  correspondant de Libération ,  à l’été 2000, je pris une décision :  je ne chercherais pas à « expliquer »  la Chine, mais à la « montrer ».  Cela peut sembler étrange pour  un journaliste justement envoyé  dans un pays lointain afin de  décrypter la complexité du monde.  Mais je réalisai très vite que chacune  des facettes de la gigantesque  et historique transformation  chinoise dont j’étais le témoin  était une partie de la réalité,  qui ne permettait pas pour autant  de comprendre ce qui se jouait  globalement. Ma démarche  s’apparentait donc à celle  d’un photographe, dont chaque  cliché a sa vie propre, mais  qui commence à « faire sens »  lorsqu’il est associé aux autres,  sur le temps long.  Un magazine économique chinois  m’a demandé un jour – c’était  une époque où le journaliste occidental n’était pas nécessairement un « ennemi » – de raconter mon travail en Chine pour son numéro de fin d’année. J’y expliquais comment j’avais le sentiment de traverser constamment le miroir entre plusieurs Chines, et que je vivais cela comme un privilège dont les Chinois eux-mêmes sont privés – ou, bien souvent, se privent volontairement.  Je racontais deux moments  de l’année écoulée, un reportage  dans une zone déshéritée  de la Chine rurale, où l’ascenseur social n’était pas encore passé ; et une soirée costumée dans l’univers des start-up de Pékin, où le déguisement le plus fréquent  avait été celui de Garde rouge, les partisans fanatisés de Mao pendant la révolution culturelle. J’exprimais ma perplexité face à ce grand écart de la société chinoise et, surtout, le cynisme de la nouvelle élite pékinoise, dénuée de tout sens de l’histoire.  […]  En deux décennies, j’ai donc vu  la Chine prendre la parole, et  la perdre ; atteindre un développement  économique et une prospérité  qui semblaient inatteignables aussi  vite, et se demander si le prix  à payer n’a pas été trop élevé,  si elle s’en remettra, et comment. Il faut toujours avec la Chine  se garder de jugements trop hâtifs,  de sentences définitives, car  l’Histoire a montré à quel point  elle était imprévisible, éruptive,  et jamais réellement soumise.  Se garder donc de vouloir  l’expliquer à coups de concepts et de théories ; il faut déjà la « voir »,  dans sa complexité, sa diversité,  sa richesse et ses failles. C’est  ce qu’a fait, sur le temps long, avec  son regard et son talent, mon ami  Bertrand Meunier. Il a ainsi fait  œuvre utile. 

Pierre Haski

Bertrand Meunier Fengjie, province du Hubei décembre 2000 © Bertrand Meunier, Tendance Floue
Bertrand Meunier Fengjie, province du Hubei décembre 2000 © Bertrand Meunier, Tendance Floue
Bertrand Meunier Quartier de Fengtai, Pékin avril 2007 © Bertrand Meunier, Tendance Floue
Bertrand Meunier Quartier de Fengtai, Pékin avril 2007 © Bertrand Meunier, Tendance Floue
Bertrand Meunier Quartier de Fengtai, Pékin mars 2007 © Bertrand Meunier, Tendance Floue
Bertrand Meunier Quartier de Fengtai, Pékin mars 2007 © Bertrand Meunier, Tendance Floue
Bertrand Meunier Shenzhen, Guangdong Province December 2019 © Bertrand Meunier, Tendance Floue
Bertrand Meunier Shenzhen, Guangdong Province December 2019 © Bertrand Meunier, Tendance Floue
Bertrand Meunier Pékin mars-avril, août 2019 © Bertrand Meunier, Tendance Floue
Bertrand Meunier Pékin mars-avril, août 2019 © Bertrand Meunier, Tendance Floue
Bertrand Meunier Beijing March-April, August 2019 © Bertrand Meunier, Tendance Floue
Bertrand Meunier Beijing March-April, August 2019 © Bertrand Meunier, Tendance Floue
Bertrand Meunier Place Tian’anmen, Pékin septembre 2001 © Bertrand Meunier, Tendance Floue
Bertrand Meunier Place Tian’anmen, Pékin septembre 2001 © Bertrand Meunier, Tendance Floue
Bertrand Meunier Yichang, Hubei province February 2002 © Bertrand Meunier, Tendance Floue
Bertrand Meunier Yichang, Hubei province February 2002 © Bertrand Meunier, Tendance Floue
Bertrand Meunier Hong Kong décembre 2019 © Bertrand Meunier, Tendance Floue
Bertrand Meunier Hong Kong décembre 2019 © Bertrand Meunier, Tendance Floue
Bertrand Meunier Hong Kong novembre 2019 © Bertrand Meunier, Tendance Floue
Bertrand Meunier Hong Kong novembre 2019 © Bertrand Meunier, Tendance Floue
musée Nicéphore Niépce
28, Quai des Messageries
71100 Chalon-sur-Saône
tel / + 33 (0)3 85 48 41 98
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Selfportrait [Cosmopolitan] october 2 2000 Gelatin silver print © Kate Barry
Selfportrait [Cosmopolitan] october 2 2000 Gelatin silver print © Kate Barry

Kate Barry
My Own Space
17 juin .... 17 septembre 2023
inauguration : mercredi 14 juin à 18h30

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Kate Barry [1967-2013] débute sa carrière de photographe en 1996. Les commandes pour la mode et les magazines font sa renommée et son œuvre participe de la construction de l’imaginaire d’une époque [campagne mère-fille pour Comptoir des Cotonniers en 2003-2006, portraits d’actrices lors de la sortie du film Huit Femmes de François Ozon en 2002, etc.].
Malgré les contraintes des commandes, la photographe impose son regard, ce qui l’autorise à développer des projets plus personnels. Celui consacré aux salariés du marché international de Rungis [Les Gueules de Rungis , 2009] fera date, mais son œuvre autour du paysage est celle où elle exprime le mieux sa sensibilité. À l’opposé du clinquant des magazines, des impératifs des commandes et de la surmédiatisation de sa famille [elle est la fille de John Barry et de Jane Birkin], Kate Barry y propose des atmosphères dépouillées, faites de poésie et de subtilité, à la fois mélancoliques et oppressantes. En 2021, la famille de Kate Barry a donné au musée Nicéphore Niépce l’intégralité de ses négatifs couleur et noir et blanc, sa production numérique, ses planchescontacts, une sélection de tirages ainsi que ses deux principales expositions [Bunkamara Gallery, Japon, 2000 et Arles, 2017].
Le musée propose au public de découvrir une première rétrospective de cette œuvre singulière, diverse et complexe.

Un livre accompagnera l’exposition en septembre 2023 aux Éditions de La Martinière.

Laetitia Casta [pour Elle] 2 octobre 2000 Tirage sur papier au gélatino-bromure d’argent © Kate Barry
Laetitia Casta [pour Elle] 2 octobre 2000 Tirage sur papier au gélatino-bromure d’argent © Kate Barry

Lâcher prise
[ extraits ]
 
Principalement connue pour ses portraits de figures issues des mondes de la musique, du cinéma et de la mode qu’elle photographie dans le cadre de commandes pour la presse, Kate Barry s’affirme comme une photographe complète, qu’on ne peut circonscrire à cette seule pratique. Surtout, Kate Barry évolue au sein d’un environnement familial où l’image [et en particulier la photographie] est omniprésente.
Si la photographie est partout, elle l’est particulièrement autour de Kate Barry. Fille de Jane Birkin et de John Barry, la vie de famille de Kate Barry est largement médiatisée. Le couple Jane Birkin / Serge Gainsbourg fait longtemps la une de nombreux journaux. Le duo défraie souvent la chronique, voit sa vie scrutée et ouvre régulièrement la porte de sa demeure aux caméras de télévision ainsi qu’aux photographes.
Autour de Kate Barry, la photographie est également omniprésente dans l’intimité. Son oncle, Andrew Birkin, photographe, accompagne souvent la famille dans ses pérégrinations et emmène par exemple Kate Barry alors âgée de 4 ans dans ses repérages destinés à Stanley Kubrick ; il la photographie sur le trône de Napoléon à Fontainebleau, portrait à la fois anecdotique et marquant. Le monde de l’image est prégnant : Jane Birkin actrice et chanteuse bientôt réalisatrice a pour amie la photographe Gabrielle Crawford, elle aura comme compagnon le réalisateur Jacques Doillon, les soeurs de Kate Barry deviendront très jeunes actrices et modèles, etc.

À l’adolescence, Kate Barry semble trouver sa voie dans le stylisme en intégrant en 1983 l’école de la Chambre syndicale de la couture à Paris. Alors que ses créations font l’objet de premiers défilés dès 1985, son parcours est perturbé par plusieurs dépendances. Son séjour, au début des années 1990, dans un centre londonien adepte de la méthode dite « Minnesota » la convainc de fonder un tel centre en France. Initiée en 1991, l’association APTE [Aide et Prévention des Toxicodépendances par l’Entraide] accueille ses premiers patients à partir de 1994. Peu après, Kate Barry abandonne le stylisme pour la photographie. « La photo n’a pas été une évidence. Loin de là. C’est un amoureux quand j’avais 16 ans qui m’a donné mon premier appareil photo. Et c’est encore un amoureux qui m’a donné un appareil photo bien plus tard, à 28 ans. C’était un plaisir que je ne voyais pas. Je me suis fait plaisir plus tard, quand cette notion a pris de l’importance, quand il a fallu construire à nouveau. J’ai pu créer mon espace, un espace à moi. »
Les débuts sont balbutiants mais déjà empreints de la personnalité de la photographe en devenir. À l’instar de nombreux photographes autodidactes, les proches constituent des modèles de choix. Elle s’approprie l’appareil, apprend à jouer avec la lumière et déjà transparaissent des ambiances mélancoliques, des atmosphères pesantes, des compositions où les vides volontaires concourent à dramatiser les scènes, tandis que sa famille se prête au jeu.
 
Rapidement, les premières commandes se présentent et Kate Barry multiplie les séances de prises de vue : reportage pour Elle en octobre 1996 [20 pellicules], commandes de Lui en novembre 1996 [21 pellicules], du Figaro  Madame [30 pellicules] et de l’agence Sygma [23 pellicules] en décembre 1996. Le rythme est toujours aussi soutenu dans les premiers mois de l’année suivante avec des portraits d’Alexandra Kazan, Françoise Hardy, Sabine Azéma, Maïwenn, et ce pour le seul 1er trimestre 1997. Les magazines, ceux de mode en particulier, sont encore à l’apogée de leur diffusion et la profusion des titres offrent à Kate Barry de nombreuses opportunités. Elle , Vogue , Cosmopolitan , Jalouse , L’Officiel , Gala , Off Femme , DS  puis plus tard H&K , Glory , Madame  Figaro , Elle Japon , Joyce , Vanity Fair , etc. : cette liste non exhaustive de titres traduit la grande variété de magazines qui s’adressent à elle, la diversité stylistique portée par chacun d’entre eux et à laquelle la photographe s’efforce de répondre.
Jusqu’alors environnée de photographies et de producteurs d’images de toutes sortes, elle-même modèle pour ses propres créations de mode, Kate Barry s’installe rapidement à partir de 1996 comme une photographe qui compte : son accès privilégié à certaines personnalités, ainsi que l’univers visuel singulier qu’elle sait créer et qui lui est propre, achèvent de convaincre nombre de commanditaires et de modèles à faire appel à elle. Son implication au monde aussi. Ses engagements sont nombreux : une affiche pour Ni Putes Ni Soumises en 2003, la couverture pour le 1er numéro de Rose , magazine dédié aux femmes atteintes d’un cancer [automne 2011], une série de portraits engagés de personnalités dans le cadre de la Vague blanche pour la Syrie en 2012 [où elle photographie Sandrine Bonnaire, Sonia Rykiel et Sophie Marceau dans le cadre d’un projet photographique et politique initié par Sarah Moon]. Par ailleurs, Kate Barry n’hésite pas à brouiller son image de photographe de mode et de personnalités du show-business et du cinéma : même s’il s’agit au départ d’une commande, elle s’investit particulièrement dans une série de portraits réalisés à Rungis dans le cadre des 40 ans du célèbre marché [2009].
À partir de 2002 et jusqu’à, au moins, 2008, Kate Barry s’essaie à un genre nouveau pour elle, le paysage, et c’est là que toute sa sensibilité va s’exprimer. Seule face à la nature, elle saisit des détails, sans forcément y réfléchir, se met en œuvre, comme le suggère Marie Darrieussecq, « une flânerie active, une flânerie déterminée [si une telle chose peut exister] ». En contrepoint de sa pratique du portrait, Kate Barry évoque la nécessité de s’essayer à une autre forme de photographie : « C’est pourquoi j’ai fait des photos de lieux. Pour perdre mes repères, perdre ce regard croisé, ce regard reconnaissant. » Dans ses paysages, réalisés au gré de ses voyages en Israël, en Jordanie, en Normandie [Le Havre notamment], en Bretagne [à Dinard avec Jean Rolin], Kate Barry construit une œuvre délicate, fragile, suscitant l’introspection. Ses proches évoquent ses paysages comme étant son « vrai » travail photographique, le plus proche de sa personnalité, celui où ses inquiétudes et ses silences s’expriment le mieux.
 
Alors que Jean Rolin nous narre que « Kate avait pris cette habitude de filmer, à l’aide d’un appareil photo miniature et d’une manière un peu compulsive, non pas même tout ce qui se passait autour d’elle, mais plutôt ce qui se déroulait à ses pieds » et que très rarement elle relevait la caméra pour filmer le décor, les paysages de Kate Barry surprennent justement par leurs cadrages et leur atmosphère. Jamais elle ne semble lever la tête : la ligne d’horizon est haute, part belle est donnée aux sols et à leur altérité. Ses paysages proposent des sujets peu communs[cimetières, murs défraîchis, détritus abandonnés dans un sous-bois, etc.], des ambiances mélancoliques [là une plante qui s’extrait du bitume tant bien que mal, ici une route de campagne mal entretenue sous un ciel qui semble plombé], des corps anonymes comme perdus dans des décors urbains où la nature reprend ses droits, etc. En ce sens, les photographies avec Jean Rolin pour l’ouvrage Dinard, Essai d’autobiographie  Immobilière  font œuvre de manifeste de sa pratique du paysage, succession de « lieux indécis » dont ils partagent tous deux le goût.
Quand sa carrière est brutalement stoppée en décembre 2013, Kate Barry envisageait des projets de documentaires, ceux inaboutis autour des auteures Flannery O’Connor ou Mary McCarthy ou celui consacré à Philippe Djian. Actrice des changements provoqués par l’émergence des technologies numériques suscitant une porosité accrue entre images fixes et images animées, Kate Barry poursuivait là une démarche représentative d’une photographe de son temps : enfant puis adolescente au cœur des années 1970-1980 quand la médiatisation à outrance de certaines figures célèbres s’accentue, jeune femme assiégée par un monde d’images dans son propre quotidien, elle-même productrice d’images photographiques en amateure avant d’exercer comme professionnelle, photographe de commande puis auteure à part entière exposant et vivant de sa photographie.
L’étude du fonds Kate Barry nous montre les différents possibles de notre rapport à la photographie. L’auteure y déploie sa personnalité et son espace à elle, d’abord cernée par les images des autres avant de devenir elle-même productrice d’icônes.

 Sylvain Besson

Autoportrait [pour Elle] 2001 Impression numérique © Kate Barry
Autoportrait [pour Elle] 2001 Impression numérique © Kate Barry
Samir, Hubert Marché de Rungis 2009 Tirage C-Print © Kate Barry
Samir, Hubert Marché de Rungis 2009 Tirage C-Print © Kate Barry
Jane Birkin [Bretagne] 1995 Tirage sur papier au gélatino-bromure d’argent © Kate Barry
Jane Birkin [Bretagne] 1995 Tirage sur papier au gélatino-bromure d’argent © Kate Barry
Mode [pour Cosmopolitan] 2000 Tirage sur papier au gélatino-bromure d’argent © Kate Barry
Mode [pour Cosmopolitan] 2000 Tirage sur papier au gélatino-bromure d’argent © Kate Barry
Les Robes Noires [Elle] 2001 Gelatin silver print © Kate Barry
Les Robes Noires [Elle] 2001 Gelatin silver print © Kate Barry
Reine Graves [Joyce] 2002 Chromogenic Print © Kate Barry
Reine Graves [Joyce] 2002 Chromogenic Print © Kate Barry
Paysage 2002-2008 Tirage C-Print © Kate Barry
Paysage 2002-2008 Tirage C-Print © Kate Barry
Dinard 2011-2012 D’après un fichier numérique © Kate Barry
Dinard 2011-2012 D’après un fichier numérique © Kate Barry
Mauvaises Herbes 2002-2008 Tirage C-Print © Kate Barry
Mauvaises Herbes 2002-2008 Tirage C-Print © Kate Barry
Paysage 2002-2008 Impression numérique © Kate Barry
Paysage 2002-2008 Impression numérique © Kate Barry
musée Nicéphore Niépce
28, Quai des Messageries
71100 Chalon-sur-Saône
tel / + 33 (0)3 85 48 41 98
e-mail / contact@museeniepce.com


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Blue Screen of Death, 2022 © Baptiste Rabichon
Blue Screen of Death, 2022 © Baptiste Rabichon

Baptiste Rabichon, Pièces
14 octobre 2023 ... 21 janvier 2024

Le travail de baptiste Rabichon [1987-] est empreint de souvenirs, d’impressions furtives, d’une certaine nostalgie pour les fantasmagories de l’enfance, autant que références à l’histoire de l’art, au cinéma, à la science-fiction, ou encore aux jeux vidéo. Il oscille en permanence entre observationfine, prélèvement du réel et interprétation. Il expérimente et compose ses images par des procédés complexes, à partir de matières premières constituées de prises de vues à la chambre, comme au Smartphone, de peintures ou de dessins.
En utilisant de multiples techniques photographiques – prises de vues et tirages analogiques, film inversible couleur, photogrammes, chimigrammes, photographie numérique, image digitale, - il recrée des univers fictionnels qui nous parlent pourtant du monde dans lequel nous vivons.
Dans son travail, baptiste Rabichon nous met face à notre rapport compulsif et obsessionnel à l’image. Il confronte sa capacité de rendre compte d’une expérience vécue, à celle de s’extraire de la réalité.

L’exposition propose au public de découvrir les derniers travaux de cet artiste prolifique.

musée Nicéphore Niépce
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Stéphane Lagoutte, Beyrouth 75-15, 2015 © Stéphane Lagoutte / Myop
Stéphane Lagoutte, Beyrouth 75-15, 2015 © Stéphane Lagoutte / Myop

Stéphane Lagoutte, Liban, Stratigraphie
14 octobre 2023 ... 21 janvier 2024

Après des études aux Beaux-Arts, Stéphane Lagoutte se tourne vers la photographie documentaire. Depuis le champ du journalisme d’information, aux marges de la société, il s’intéresse principalement à la relation entre l’homme et son environnement. Sa photographie est aujourd’hui multiforme : de la presse aux galeries et aux musées, il navigue entre reportage traditionnel et photographie conceptuelle.
Depuis 10 ans Stéphane Lagoutte documente Beyrouth. En cinq séries, il étudie la succession des strates qui constituent l’histoire contemporaine du Liban. Et si elles semblent se mélanger, les faits ne se répètent jamais tout à fait à l’identique.
Entre mémoire et actualité, le photographe emprunte de nouvelles voies. Surimpressions, agrandissements, détails, de nouvelles formes d’écriture se répondent et se complètent pour rendre compte de la situation du pays.

musée Nicéphore Niépce
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