Gregory Crewdson, Eveningside
22.02 ... 18.05.2025
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Inauguration : samedi 22 février à 11 h
Exposition organisée en partenariat avec la galerie Templon.
Commissariat : Sylvain Besson
Le musée remercie Gregory Crewdson, la galerie Templon, en particulier Anne-Claudie Coric, directrice générale, Yorgos Kotsakis, Les Amis du musée Nicéphore Niépce.

Si la photographie nous apparaît comme une évidence, composée d’une succession de signes qui nous « parle » alors qu’il est toujours plus facile de produire des clichés, Gregory Crewdson [né en 1962 à Brooklyn] nous inonde d’indices pour mieux nous perdre, nous piéger, nous obliger à regarder et à nous questionner.
Conclusion d’une trilogie initiée avec Cathedral of Pines [2014] et poursuivie avec An Eclipse of Moths [2018-2019], Eveningside [2021-2022] achève un cycle centré sur les lieux où Gregory Crewdson a grandi et dont ils connaissent chaque recoin. Comme pour ses travaux antérieurs, Crewdson déploie dans ces trois séries d’importants moyens techniques, ceux habituellement mis au service du cinéma. Fort d’une équipe de près de vingt personnes, le photographe propose des scénarios, élabore des mises en scène savamment orchestrées, use de nombreux effets spéciaux [lumière, fumée, etc.] pour renforcer les atmosphères qu’il souhaite créer. La longue phase de postproduction achève de donner à ses séries leur ambiance singulière, leur cohérence, leur caractère implacable. Invariablement, les photographies de Crewdson interrogent et ne s’offrent pas au regardeur: « Je tiens à ce que la question reste toujours ouverte. Sans réponse. D’une certaine manière, c’est le cas pour n’importe quelle photographie: jamais aucune photo ne révèle entièrement sa signification ».1
Le temps semble comme suspendu, un arrêt sur image où Crewdson condense tous les éléments d’un film dans une seule photographie: «Ce que je veux, c’est que le spectateur soit immergé dans un univers, celui de l’image, comme dans un bon film ou dans n’importe quelle œuvre d’art » 2 . Dès lors, Crewdson installe le regardeur dans la position du photographe voire du voyeur: le format, les détails, les symboles qui se répondent d’une photographie à l’autre, d’une série à l’autre invitent à l’observation, à l’immersion, à chercher du sens tout en se tenant en retrait.
Le fil de conducteur de la trilogie est la distance: celle de l’être humain avec la nature, celle entre les êtres et celle de ces derniers avec la société. Série en couleurs, Cathedral of Pines, inaugure l’ensemble et est la plus intime. Réalisée à Becket, là où Crewdson a grandi et vit désormais avec sa compagne, Cathedral of Pines montre des êtres sidérés devant la déliquescence de la société qui les entoure, ces villes moyennes du Nord-Est des États-Unis à la limite de la ruralité. Si les moyens sont ceux du cinéma, les compositions évoquent la peinture classique, en particulier les scènes d’intérieur. La nature est omniprésente et semble reprendre ses droits sur une civilisation en déliquescence. Toujours en couleurs, la série suivante, An Eclipse of Moths, multiplie les références à la littérature [Moby Dick notamment] et fait écho, à travers le nom des rues, à plusieurs présidents américains. Les prises de vues sont réalisées à Pittsfield, à 20 km de Becket, où a grandi la compagne du photographe, ville profondément marquée par la fermeture des usines et les scandales de pollution des sols. L’échec du mythe du Progrès et du rêve américain est patent: les êtres errent comme des fantômes, sont comme absents, perdus, atterrés par les promesses non tenues de leurs dirigeants. Avec Eveningside, les nombreux effets de miroirs et de reflets, les jeux de regards, le titre même des photographies concourent à aborder plus frontalement le rapport des êtres en société. La ville est factice, Becket et Pittsfield sont photographiés, décomposées puis « créées de toute pièce en postproduction. Le terrain est donc familier, mais légèrement décalé, ajoutant du trouble au trouble. Les êtres sont comme identifiés à leur fonction, résignés dans leur condition. Pour le critique Jean-Charles Vergne, « Les individus d’Eveningside, cette ville « du côté du déclin », forment une société sans même en prendre conscience. […] Eveningside constitue l’ultime strate d’un subtil dégradé de l’intime vers le sociétal où le consensus a été vaporisé par un consentement forcé »3 . Le noir et blanc ajoute à la nostalgie d’un idéal égaré en chemin, même si chaque crépuscule appelle le renouveau du jour à venir et que certains clichés évoquent, sinon l’optimisme, du moins l’espoir d’une « échappée » 4 .
Pour cette exposition, le musée Nicéphore Niépce a fait le choix de montrer la série Eveningside aux côtés d’une photographie de chaque série qui la précède dans la trilogie, rendant compte ainsi de la cohérence du corpus et la continuité dans les œuvres de Crewdson entre 2014 et 2022. Si, dans chaque photographie, le temps semble suspendu, voire quasi absent, il n’en est rien: les lieux sont les mêmes, mais les modèles sont récurrents et vieillissent d’une série à l’autre. De fait, une mécanique temporelle est bien à l’œuvre dans la production du photographe, alors même que Crewdson place ses sujets dans « un moment de tergiversation, d’attente, un entre-deux entre un « avant » et un « après ». Une forme de paralysie psychologique » 5. Avec Gregory Crewdson, la photographie a tous les atours du documentaire: elle nous happe par les détails omniprésents, les compositions soignées, le cadrage précis, la lumière. Elle invite à la contemplation. Pourtant, elle n’est que fiction et rapidement le piège se referme: abreuvés de signes discrets, nous ne pouvons que créer des liens, inventer de nouvelles fictions dont les photographies de Crewdson seraient la source, démontrant, si cela était encore nécessaire, la puissance évocatrice du médium.
1. Interview de Gregory Crewdson par Cate Blanchett, in Alone in the Street, Éditions Textuel, Paris, 2021 2. Op. cit. 3. Jean-Charles Vergne in Eveningside, Gallerie d’Italia, Skira, Milan, 202 4. Op. cit.

Gregory Crewdson est né en 1962 à Brooklyn, New York. Il vit et travaille à New York et dans le Massachusetts. Il est diplômé de SUNY Purchase, New York, et de la Yale School of Art, New Haven, où il est maintenant professeur et directeur d’études supérieures en photographies. Figure majeure de la photographie américaine, il met en scène ses photographies comme des films avec acteurs, décors, accessoiristes, storyboards, maquilleurs comme une manière d’évoquer la face noire du rêve américain, mais aussi ses propres drames psychologiques.

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71100 Chalon-sur-Saône
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Will Write Soon
Photos postales du "nouveau" monde
22.02 ... 18.05.2025
vernissage : samedi 22 février à 11h
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Photos postales du « nouveau » monde
C’est dans les méandres de la vie quotidienne des villages et des campagnes d’Amérique du Nord au début du XXe siècle que nous entraînent ces centaines de photographies issues d’un registre insolite. En anglais, on les appelle « real photo postcard » (RPPC) et en français,
« carte photo ». Elles sont à mi-chemin entre photographie argentique et cartes postales.
Ce sont des tirages originaux (de vraies photographies et non pas des images imprimées) dont le verso comporte un espace pour y apposer une adresse, un timbre, ainsi que, à partir de 1907, quelques mots.
Envoyer une image de chez soi, une photographie que l’on a faite soi-même ou dont on a fait l’acquisition auprès d’un photographe de passage ou de celui du village : cette pratique connaît un engouement populaire extraordinaire entre 1905 et 1915 dans les zones rurales de l’Amérique profonde. À un moment où les foyers américains sont loin d’être tous équipés de téléphone, les cartes photo deviennent les liens visuels et verbaux entre des générations d’Américains, qui, souvent nouvellement installés, vivent loin des grandes villes. « Je serai de retour jeudi si tout se passe bien. » ; « Le chien est malade. Il a dû être éthérisé. » ; « C’est là que je passe la plupart de mon temps. » ; « Comment sont ces photos que tu as prises de nous ? » ; « Là où il y a une croix, c’est mon cousin. » ; « La tempête est passée pas loin mais elle nous a épargnés. ».
L’exposition Will Write Soon met en avant les qualités esthétiques et documentaires de près de 250 photographies.
Commissariat : Luce Lebart
Exposition produite par le Centre d'art Gwinzegal, Guingamp, et réalisée avec Archive of Modern Conflict (AMC).
L'exposition Will Write Soon repose sur la collection de cartes photographiques constituée par le collectionneur et auteur David Thomson.

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Prix impression photographique des Ateliers Vortex :
Prune Phi, Bottoms up
Dans un travail mixant sculptures, objets et photographies, Prune Phi explore les traces, les points d'ancrage, les lacunes de ce qui fait mémoire. L'interpénétration de souvenirs individuels et collectifs, de photographies de famille, d'imagerie officielle et d'objets exotisants devenus ordinaires, matérialise la complexité d'un récit de l'immigration vietnamienne.
"Bottoms up" (2025) est une installation composée d’étagères, d’un vaisselier, de verres à saké, d’images personnelles et d’archives collectées au Musée Nicéphore Niépce abordant l’invisibilisation des corps et des récits liés aux diasporas vietnamiennes dans le sud de la France.
La Rizière
était le nom du restaurant de mes grands-parents dans l’Aude. Je me souviens des bols en porcelaine aux motifs bleus reposant sur les tables, de l’odeur chaleureuse du riz cuit se mêlant à la nausée des haleines imprégnées de saké. Là, le riz est consommé non seulement comme aliment, mais aussi comme objet de fétichisation et de rituel. Les plats sont associés à de l’alcool de riz, servi dans des verres à saké ornés d’images kitsch de corps asiatiques cachés — reflétant le regard occidental tout en déformant leur signification culturelle.
Pendant ma résidence, j’ai exploré les archives liées aux origines des rizières en France, le rôle des travailleurs forcés indochinois dans l’introduction de la riziculture lors de la Seconde Guerre mondiale en France. La recherche m’a emmené plus loin, je me suis intéressée aussi à ce qui fait écho : les plats à base de riz et l’alcool de riz, les croyances liées à cette céréale, les écosystèmes aquatiques de la rizière et à leurs organismes vivants, ainsi qu’aux représentations des hommes et femmes asiatiques vues d’un point de vue occidentalisé. J’ai collecté des verres à saké que j’ai réparé en remplaçant les images de nu·es par les images collectées. Ces verres réparés deviennent des témoins résistants, reflétant une mémoire recomposée qui interroge l’effacement des corps et des récits. »
Prune Phi
Ce projet photographique, primé et produit par Les Ateliers Vortex et le musée Nicéphore Niépce, s'inscrit dans le cadre de neuvième édition du Prix Impression photographique soutenu par la Région Bourgogne-Franche-Comté.
Avec le soutien de la région Bourgogne-Franche-Comté

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Parmi les nombreuses pratiques de la photographie, la photographie industrielle occupe une large place depuis l’invention du médium. Pour certains praticiens, elle constitue le secteur d’activité principal, voire unique tels Paul Martial ou André Papillon. Pour d’autres, comme Jean-Pierre Sudre, il s’agit d’une activité « alimentaire », suffisamment rentable, surtout durant les Trente Glorieuses, pour financer une pratique artistique en parallèle. Brochures, plaquettes, livres de prestige destinés aux meilleurs clients ou aux cadres dirigeants, autant de supports pour promouvoir et vendre et la photographie occupe une place centrale dans le dispositif dès la fin du 19e
siècle. Aujourd’hui, alors que la globalisation et le libre échange ont déstabilisé le monde industriel et que les chaines de production ont été délocalisés, les photographes, tels Claire Chevrier ou Stephen Dock, usent du médium pour questionner le geste ouvrier ou le devenir des architectures industrielles désormais obsolètes.
L’exposition retracera cette longue histoire de la représentation de l’industrie par la photographie, de Petiot-Groffier photographiant ses usines au milieu du 19e
siècle à l’effervescence de productions imprimées des Trente Glorieuses, des premiers livres d’entreprise du début du 20e
siècle aux regards contemporains sur un monde désormais, sinon révolu, du moins implacablement abimé.

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Face à ce qui se dérobe, les clichés de la folie
18.10.2025 ... 18.01.2026
Dans une cour cernée d’imposantes grilles, des femmes échevelées vêtues de lourdes jupes noires, sont assises sur des bancs ou couchées par terre. Celle-ci semble prostrée, recroquevillée. Celles-là sont entravées par des camisoles… Ces 25 images ont été prises par le photographe pictorialiste Robert Demachy (1859-1936). Sur la boîte, écrite de sa main, une légende laconique : « Les Folles ». Une étude nous apprend qu’elles ont été réalisées dans l’enceinte de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière entre 1890 et 1895. Cette série conservée au musée Nicéphore Niépce depuis 2004 dénote du reste de l’archive du photographe. Le regardeur sait qu’il est face à un document rare, exceptionnel. Elle ne cesse de susciter des interrogations.
De ces images et des questions qu’elles soulèvent est née l’envie d’explorer plus largement les rapports entre la photographie et la « folie ». Volontairement circonscrite au milieu fermé qu’est l’hôpital psychiatrique, l’exposition présente différents usages du medium : une photographie au service de la psychiatrie, de la clinique et du corps médical, qui ausculte les corps et les visages ; une photographie-outil au service du diagnostic puis du soin ; une photographie de reportage qui montre, stigmatise ou dénonce ; une photographie de la vie quotidienne produite par des patients ou des soignants au sein de l’institution. Cette photographie pratiquée à des fins différentes, est mise en dialogue avec les travaux de plusieurs photographes contemporains, accueillis en hôpital psychiatrique et construisant leurs images avec les patients. Sans prétendre être exhaustive, l’exposition espère rendre sensible les regards portés sur la maladie, interroger la question des normes, le rapport à l’autre et les limites de la représentation.

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en partenariat avec le musée de Kaohsiung à Taïwan
Le magazine Terre des Hommes (Ren Jian, 47 numéros entre novembre 1985-septembre 1989), fondé par l’écrivain militant pro-chinois Chen Ying Zhen, a rassemblé autour de lui une équipe de journalistes, écrivains renommés, photo reporters et partisans des causes politiques et sociales. Il émerge pendant la phase de libéralisation progressive des années 1980 et s’inscrit dans la tradition des magazines illustrés par la photographie initiée à la fin des années 1920 par la presse allemande ou le célèbre hebdomadaire français, VU. Dans ce « Magazine de reportages où l’on découvre, documente, témoigne et critique par les images et par les mots » (éditorial du n°1), la photographie a joué un rôle essentiel, portée par de jeunes photographes « émergents » qui trouvent ici l’occasion de s’exprimer librement après une longue période de censure. L’exposition retracera le bref parcours de ce magazine militant taïwanais, illustrant combien les relations entre presse et photographie sont étroits.

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