Penser / Classer : 50 ans du musée, volet 2
du 22 octobre 2022 au 22 janvier 2023
Le second volet de l’exposition Penser / Classer propose au public de poursuivre la découverte des collections du musée avec un accrochage d’œuvres renouvelé.
A l’occasion de ses cinquante ans, le musée Nicéphore Niépce (1972) propose de lever le voile sur une dimension soustraite au regard du public : dans les réserves, la richesse de ses collections. Tout montrer est impossible, une sélection représentative ne l’est pas d’avantage. Un prochain catalogue en retracera l’histoire et les politiques d’acquisition. Alors, pour en rendre sensible à la fois la diversité et le nombre, éviter les redites avec le parcours permanent, c’est à une approche amusée et poétique de ces espaces, à la manière de Georges Perec, que le public est invité.
Adepte des classements, des listes, des inventaires, surnommé le « taxinomiste fou », Perec (1936-1982) interroge et ironise dans son essai « Penser / classer », cette manie anthropologique de vouloir mettre de l’ordre dans l’univers. L’être humain doit classer le monde pour le comprendre, pour le penser. Chaque chose à sa place, une place pour chaque chose. Cette grande « manie » est au cœur même des activités des musées. Quel que soit son champ de connaissance, un musée acquiert, inventorie, classe, conserve, transmet, expose.
Depuis cinquante ans, le musée Nicéphore Niépce s’acquitte de ces missions. Avec une particularité toutefois : son sujet, la photographie.
Une mise en abyme.
Car la photographie, fille du 19ème
siècle et de ses révolutions, porte en son sein, dès son apparition, une idée fixe, une utopie. Croire que l’on peut, grâce à elle, tout montrer, et apporter le monde entier dans les musées. Croire que l’on peut faire le relevé universel et exact des choses, en conserver l’image vivante. Croire que l’on peut vaincre le temps qui passe, l’oubli et les destructions. Croire aussi que l’on peut mieux connaître et comprendre le monde, en le détaillant, en le décortiquant, en l’auscultant dans tous ses plis et replis, de l’infiniment grand à l’infiniment petit.
La photographie n’a pas failli (?) et les réserves du musée Nicéphore Niépce en sont la preuve. Depuis deux siècles, la photographie sert indubitablement nos obsessions taxinomiques, individuelles ou collectives, qu’elles soient scientifiques ou documentaires, amateures ou artistiques. La nature des collections du musée et leur organisation conduisent parfois au bord d’un vertige perecquien. Le vocabulaire listé par l’écrivain s’égrène aussi bien à l’endroit de la photographie : « cataloguer, classer, classifier, découper, énumérer, grouper, hiérarchiser, lister, numéroter, ordonnancer, ordonner, ranger, regrouper, répartir »
. Puis « subdiviser, distribuer, discriminer, caractériser, marquer, définir, distinguer, opposer, etc ».
Mais contrairement à ce qu’elles induisent, aucune de ces opérations ne peut être objective. La neutralité et l’exhaustivité n’existent pas. Il y a toujours la grille d’un regard, des choix préalables et un hors champ.
Heureusement, Perec nous rappelle avec humour et humilité, que notre quête d’omniscience est vouée à l’échec. Nos tentatives d’organisation du savoir sont souvent caduques à peine terminées, et peut être « à peine plus efficaces que l’anarchie initiale »…

Entre sciences et poésie, le « photographe-physicien » Patrick Bailly-Maître-Grand (1945) travaille sur la matière, l’espace, le temps, le mouvement, avec les principes originels de la photographie. Ici, il s’agit de mesurer et révéler le trajet d’une fourmi sur du papier millimétré. « La construction de ces images est complexe (enregistrement du parcours, sélection des différentes attitudes, collages, tirage via des papiers huilés, etc) mais cette jonglerie technique n’a guère d’importance pour moi. Avant tout, c’est un hommage à ces voyageuses qui, pendant nos siestes sous un arbre, dépassent largement les frontières de notre transat. » (Patrick Bailly-Maître Grand)

Le britannique Eadweard Muybridge (183O-19O4) inspiré par les travaux d’Étienne-Jules Marey(chronophotographie), invente en 1878 un dispositif photographique de décomposition des mouvements, composé d’une douzaine d’appareils à déclenchements successifs. Ces nouvelles représentations font l’objet de deux livres, Animal locomotion, et The human figure in motion. Muybridge, comme Marey, font figure de précurseurs du cinéma.

Membre de l’administration coloniale en Afrique équatoriale française, les photographies de Jean François Audema (1864-1921), représentant les populations et les activités coloniales, sont éditées et diffusées en cartes postales avec la mention « Collection J. Audema ». En 1897, alors qu’il est en poste à Luango (Congo), il photographie le passage de la mission Belge Behagle-Bonnet de Mézières et celui de la mission Marchand. Le musée Nicéphore Niépce conserve un ensemble de 71 plaques de verre de cet auteur et de cette période.
Par l’exercice du photomontage (découpage, collage) pratiqué dans ses archives personnelles, Christian Milovanoff (1948) associe des images, qu’il en soit l’auteur ou non, et les fait résonner entre elles. Cette mise en ordre du chaos visible crée du sens, des récits, entre documentaires et fictions
28, Quai des Messageries
71100 Chalon-sur-Saône
tel / + 33 (0)3 85 48 41 98
e-mail / contact@museeniepce.com
Site classique / English
Madeleine de Sinéty,
Un village
du 22 octobre 2022 au 22 janvier 2023
Inauguration : vendredi 21 octobre 2022 à 19h

Précipitées dans la modernité au tournant des années 1960, les campagnes françaises appréhendent difficilement les transformations en profondeur, le remembrement... Mécanisation et monoculture vont bientôt être la règle. Madeleine de Sinéty le sait. L’avenir de l’agriculture n’est pas dans ce qu’elle enregistre mais elle ressent ce monde paysan. Sa photographie délivre aux spectateurs une expérience émotionnelle, une réflexion, un message. Elle crée un objet photographique nouveau, une œuvre accumulatrice, quasi compulsive et comme il en existe peu. Elle est imposante de par sa durée et la quantité des clichés, plus de 56 000 images conservées aujourd’hui dans les collections du musée Nicéphore Niépce.
Bien qu’accompagné d’un journal à la fois factuel et intime, le travail de Madeleine de Sinéty n’est pas de l’ordre de l’album de famille ; et, même si quelques images s’en approchent parfois, il ne s’agit pas non plus d’une campagne ethnographique visant à témoigner d’une vie agricole ou d’activités artisanales vouées à disparaître.
Il s'agit d'un contrepoint original et sensible des campagnes photographiques ethnographiques des années 1960-1970, organisées par les musées d’ethnographies et Georges Henri Rivière, qui en fait toute la singularité photographique.
L'exposition, "Madeleine de Sinéty. Un village", est une coproduction du musée Nicéphore Niépce, du centre d’art GwinZegal à Guingamp et du musée de Bretagne à Rennes. Seul le travail en noir et blanc de la photographe avait été partiellement dévoilé lors d'une exposition à la Bibliothèque nationale de France et au Museum of Art de Portland. L'ouvrage qui accompagne l’exposition est publié par le centre d'art GwinZegal.

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